La petite histoire de l’arrivé du bouddhisme sur le territoire thaïlandais.

La petite histoire de l’arrivé du bouddhisme sur le territoire thaïlandais.
 
1. Le bouddhisme des origines : le theravâda
 
Le territoire qu’occupe la Thaïlande de nos jours connaît le bouddhisme depuis le IIIe siècle av. J.-C. Les anciennes chroniques ceylanaises relatent en effet que l’empereur indien Ashoka (269-237 av. J.-C.) envoya des Thera (« moines aînés ») dans neuf contrées afin qu’ils portent la parole du Bouddha. Deux d’entre eux, nommés Sona et Uttara, arrivèrent au pays de Suvarnabhumi (« la Terre d’or »), zone fertile et prospère correspondant à l’actuelle Thaïlande centrale et à l’ouest de la Birmanie. Le chedi du Phra Pathom dans la ville de Nakhon Pathom fut probablement le premier édifié en Thaïlande. Son nom (Pathama Cetiya signifie en effet « première pagode » en pâli) et sa parfaite ressemblance avec le célèbre stupa Sanchi, construit par Ashoka en Inde, en atteste. En outre, de nombreux bouddhas de style indien Gupta ont été découverts dans les ruines de Nakhon Pathom et des cités voisines, confirmant la venue de missionnaires en provenance de la ville indienne de Magadha (État de Bihar).
La première forme du bouddhisme introduite en Thaïlande fut donc la doctrine theravâda (ou hînayâna). Des stances du Tipitaka en pâli ont en effet été retrouvées dans le royaume Pyu de Sri Ksetra (VIe au XIe siècle après J.-C.) au centre de l’actuelle Birmanie, ainsi que dans les royaumes môns du Dvâravatî et d’Haripunchai (VIe au XIIIe siècle après J.-C.) au centre et au nord de l’actuelle Thaïlande.
 
2. L’expansion du bouddhisme mahâyâna
 
La seconde phase de l’expansion du bouddhisme sur le territoire thaïlandais (dite période mahâyâna) est mieux connue grâce aux inscriptions rédigées en siamois qui furent découvertes à Sukhothai, ainsi que par les faits relatés dans les chroniques de certains monastères, tel le Mulasasana (1).
Le bouddhisme mahâyâna (Grand véhicule) apparut en Inde du nord sous le règne du roi Kanishka (seconde moitié du Ier siècle après J.-C.). Des missionnaires le firent rapidement connaître à Sumatra, à Java, au Cambodge, à Pégou (Birmanie) et dans le royaume du Dvâravatî (région de Nakon Pathom en Thaïlande).
À partir du Ve siècle, des moines bouddhistes mahâyâna, en provenance du Kashmir, établirent des monastères à Sumatra. Au milieu du VIIIe siècle, la cité-État de Srivijaya, qui contrôlait le sud de cette île, étendit son influence à la péninsule malaise ainsi qu’à la partie méridionale de la Thaïlande et encouragea la propagation de la doctrine mahâyâna dans ses nouveaux territoires.
Durant les XIe et XIIe siècles, les souverains khmers du royaume d’Angkor s’emparèrent de la presque totalité du territoire thaïlandais actuel. Ils fondèrent une capitale provinciale à Lopburi et permirent du même coup l’expansion dans toute cette région du bouddhisme mahâyâna et du brahmanisme auxquels ils adhéraient. En quelques décennies, Lopburi devint un centre religieux important, le bouddhisme mahâyâna et le brahmanisme se mêlant progressivement à une base bouddhiste theravâda déjà affirmée. Le sanskrit, langue sacrée indienne, se propagea du même coup. Encore aujourd’hui, plusieurs éléments appartenant à ces religions sont présents dans certaines cérémonies religieuses et royales thaïlandaises.
 
3. L’arrivée des Thaïs : influence du bouddhisme birman et môn
 
En 1057, un roi de Pagan (en Birmanie centrale) nommé Anuruddha (ou Anawratha) agrandit son royaume en s’emparant d’une partie de l’actuelle Thaïlande du nord. Il y développa le bouddhisme theravâda (Petit véhicule) en envoyant dans la région des missionnaires et en y construisant de nombreux monastères.
Il est probable qu’à cette époque, les Thaïs Yaï (aussi appelés Shan), qui avaient quitté la Chine lors de la chute du royaume de Thaï Ai-Lao (Ier siècle av. J.-C.) et s’étaient installés dans l’est de la Birmanie et dans le nord-ouest de la Thaïlande, virent le bouddhisme mahâyâna (2) et les formes d’animisme qu’ils pratiquaient fortement influencés par le bouddhisme theravâda birman.
Néanmoins, c’est à partir des XIIe et XIIIe siècles que la majorité des Thaïs (Thaïs Noï) qui s’étaient progressivement implantés dans tout le nord et le centre de l’actuelle Thaïlande, commencèrent à adopter massivement la doctrine theravâda, après avoir assimilé une partie de la civilisation mône. Les annales rapportent en effet que les Môns de Lavo (Lopburi), de confession bouddhiste theravâda, avaient fondé au VIIIe siècle un royaume nommé Haripunchai (Haripunjaya) sur le site de l’actuelle ville de Lamphun. Leur reine, Chamadevi s’y était installée avec une importante suite dont cinq cent religieux. En 1292, lorsque la ville fut conquise par les Thaïs du roi Mangrai, les institutions et la tradition bouddhique demeurèrent celles mises en place sous le règne de Chamadevi. La plupart des monastères bâtis dans les cités mônes, ainsi que ceux appartenant aux communautés de moines forestiers (arannavasin), furent conservés.
 
4. Le bouddhisme ceylanais (bouddhisme lankavamsa)
 
C’est en 1153 que Parakramabahu le Grand monta sur le trône du royaume de Ceylan, connu à l’époque sous le nom de Lanka. Monarque puissant et défenseur du bouddhisme theravâda, il convoqua le septième concile bouddhique afin de réviser et renforcer le dharma (lois bouddhiques) et la vinaya (pratiques bouddhiques). Les royaumes thaïs, birmans et laotiens décidèrent alors d’envoyer de nombreux bonzes à Ceylan afin qu’ils suivent l’enseignements bouddhique et obtiennent l’ordination. De retour dans leurs pays, ils fondèrent des monastères, en particulier à Nakon Sri Thammarath au sud de la Thaïlande, dans le royaume Lan Na du nord et à Sukhothai où le roi Ramkhamhaeng leur offrit sa protection.
Au XIVe puis au XVe siècle, le bouddhisme ceylanais se popularisa dans tout le pays. Les rois Maha Dharmaraja Lithai de Sukhothai et Ramathibodi Ier d’Ayutthaya invitèrent Maha Sami Sangharaja Sumana, le patriarche du sangha de Ceylan, pour qu’il préside les cérémonies d’ordination se déroulant dans leur royaume respectif. De nombreux monastères, des chedi (stupas) d’inspiration ceylanaise et des effigies du Bouddha furent édifiés dans toute la Thaïlande centrale. Le bouddhisme lankavamsa s’amalgama bientôt aux différentes formes du bouddhisme existant déjà et imposa progressivement le theravâda et ses rites à presque toute la population. De nos jours, c’est cette doctrine du bouddhisme que l’on trouve encore majoritairement en Thaïlande.
(1) Le Mulasasana est une chronique qui fut rédigée en dialecte thaï yuan, à partir de 1425, par Buddhayan, le quatrième patriarche du Wat Suan Dok de Chiang Mai, puis par Buddhapukam, un autre moine du même monastère. Elle retrace l’histoire du bouddhisme en Inde, à Sri Lanka et en Thaïlande.
(2) D’après les chroniques chinoises, Thaï Ai-Lao était un royaume thaï situé au sud de la Chine au Ier siècle av. J.-C. Dirigé par Khun Muang, « un puissant souverain possédant une redoutable armée », il connaissait une grande prospérité. Il est probable que c’est durant cette période que les Thaïs commencèrent à adopter le bouddhisme comme religion.
 
Extrait de Réponses à toutes vos questions sur la Thaïlande – Emmanuel Pervé – 2015
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